J’adore les blogs. Vraiment. Je dois au final lire beaucoup plus d’articles de blogs chaque jour que d’articles de journaux en ligne. Certains de mes petits préférés sont actifs depuis si longtemps et ont un tel talent pour parler de leur passion et se raconter eux même que j’en suis venue à considérer certains comme des amis intimes. Des amis intimes qui ne savent rien de moi certes, c’est une drôle de conception de l’intimité je sais mais il n’empêche qu’elle existe, qu’elle me rassure, qu’elle me plaît et qu’elle me fait du bien alors je ne m’en prive pas.
J’ai mes blogueurs et bloggeuses favoris, mes fournisseurs de came officiels les plus adorés, comme les Youtubeurs et Youtubeuses qui ajoutent une dimension plus tangible au texte, se racontent d’une autre façon. J’en ferai peut-être une liste pour vous les présenter un jour. Mais pas aujourd’hui car aujourd’hui je suis triste. Parce qu’une de ces bloggeuses, une de ces amies qui ignore qu’elle l’est, a décidé de s’arrêter. Ou tout du moins d’arrêter le blog grâce auquel j’ai découvert sa patte à nulle autre pareille, celle qui m’a permis d’aimer une ville dans laquelle j’ai n’ai pourtant mis les pieds que cette année après plusieurs à la lire pourtant, Manon donc, la taulière de Génération Berlin.
(Toutes les photos de Berlin présentes dans cet article sont de moi)
Ma porte d’entrée sur ce blog s’est faite grâce à un partage de cet article, qui décrivait avec lucidité et drôlerie les joies et les déboires de la vie en collocation. Charmée, j’ai ensuite entrepris de parcourir l’ensemble des billets. Parce que sous prétexte de parler de Berlin, Manon parle d’elle, de sa vie, d’expatriation, de différences culturelles, de ses amis, de ses amours et impossible donc de ne pas se retrouver dans ses différentes histoires. Mais pas que car en tant qu’artiste, elle parle d’art, de cinéma, de littérature, de musique. Parce qu’en tant qu’être humain elle parle aussi de racisme, de sexisme, de pauvreté, de drogue et d’addiction, de gentrification, qui sévit à Berlin aussi durement qu’ailleurs, d’histoire aussi, la grande, celle de Berlin Est et Ouest avec toutes ses duretés.
Bref sur ce blog qui dure depuis 2010, il y a eu à boire et à manger. Des articles bien sûr sur Berlin la ville, les bons coins, les bons bars, les bons restaurants, les petits endroits improbables qu’on ne peut connaître qu’en y habitant, la culture des quartiers. De l’aide aussi, pour d’éventuels nouveaux résidents en recherche d’appartement. Des articles très drôles sur les bizarreries de l’administration à l’allemande, sur comment gérer un couple binational, sur la drague, sur l’amour, sur l’alcool, sur la fête échevelée et les clubs que l’on envie partout en Europe et au-delà.
Elle a su dire aussi la dureté du changement, de l’époque, celle du tourisme de masse, de la montée des loyers, de l’aseptisation globale de la vie culturelle, de l’hostilité envers les réfugiés, de la droitisation de l’Europe. Et dans son dernier article, sorti en juin, elle dit qu’elle s’en va. Que financièrement elle n’y arrive plus, elle qui vit depuis deux ans écartelée entre sa ville de cœur, qui est celle de sa génération et de sa renaissance artistique, et la ville qui lui offre de quoi payer ses factures à la fin du mois, Paris. Elle avait fait son propre portrait en même temps que celui de cette nouvelle génération EasyJet qui possède toujours au moins deux amours dans un article d’ailleurs. Pendant un moment ce mode de vie avait été apparemment le bon équilibre pour elle aussi mais il semblerait qu’on ne puisse pas vivre ainsi éternellement. Qu’on ne puisse pas se réinventer totalement, jamais, peu importe combien on le désire car cela finira forcément par nous retomber sur la tronche à un moment.
Celle qui a écrit cet article si poignant, A ceux qui partent, c’est-à-dire pour ceux qu’on a appris à aimer follement et qui pour une raison ou une autre sortent de notre vie quotidienne, ceux qu’on doit réapprendre à aimer malgré la distance imposée, c’est maintenant son tour d’imposer cela à son monde berlinois. Mais pour nous lecteurs, cette absence de la Toile sera, en tout cas je l’espère, uniquement temporaire.
Alors bon vent Manon, n’arrête pas de bloguer surtout, et merci encore pour tout !