Girls : c’est la fin

SPOILER ALERT : CET ARTICLE PARLE DE TOUTES LES SAISONS DE GIRLS, LA DERNIÈRE INCLUSE DONC SI VOUS N’ÊTES PAS À JOUR ET QUE VOUS VOULEZ GARDER LA SURPRISE, MERCI DE NE PAS LIRE

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Lundi dernier, le dixième épisode de la sixième saison de Girls, la série de Lena Dunham produite par Judd Apatow pour HBO, a été diffusé. Ça n’était pas seulement le dernier épisode de la saison mais celui de la série, puisque la sixième saison en marque la fin. Cette situation me rend à la fois triste et ravie : triste car c’est toujours difficile de dire au revoir à une série qu’on a aimé, que dans mon cas je suis scrupuleusement depuis la saison 1. Ravie au contraire de voir que les créateurs ont su s’arrêter à temps, ont résisté à la tentation de tirer sur la corde encore et encore, comme tant de séries avant elle qui ont fini par nous dégoûter à force de se répéter. Oui How I met your mother, c’est à toi que je parle. Entre autres.

J’imagine que c’est le grand avantage d’avoir profité d’un succès d’estime davantage que d’audience, on n’a pas trop les producteurs sur le dos, que ça soit dans un sens ou dans un autre, ça doit rendre beaucoup plus libre créativement.

Je n’ai jamais vu Sex and the City, la série à laquelle on a beaucoup comparé Girls au moment où elle a commencé à être diffusée. Le premier épisode y fait même une référence explicite, la créatrice se doutant probablement qu’on allait lui faire le coup. Et oui effectivement, il s’agit des histoires quotidiennes de 4 filles à New York (en fait Brooklyn), de leurs déboires professionnels, amicaux, sentimentaux, qui abordaient sans se cacher les problématiques sexuelles notamment. D’accord. Ceci dit, il suffit d’avoir vu quelques épisodes de Girls pour constater que la comparaison s’arrête là. En effet il m’a tout de même semblé, pour le peu que j’ai vu et ce dont on m’a parlé, que la série des années 90 partait du principe que l’on allait vouloir s’identifier aux personnages principaux, que ceux-ci allaient nous présenter des modèles enviables. Si c’était le projet de Girls alors autant dire qu’à ce niveau-là c’est complètement foiré. Je crois n’avoir jamais rencontré des personnages de fiction auxquels je me suis autant attachée alors qu’objectivement ils n’avaient absolument rien d’attachant. C’était même plutôt l’inverse. Aucun défaut ne leur est épargné et aucune indulgence n’est accordée à ces mêmes défauts. Entre narcissisme à outrance, psychopathie à un certain degré, total manque d’empathie ou d’écoute, les filles de Girls se servaient des autres, se vengeaient sur eux de leurs propres échecs, étaient infectes à tous les niveaux.

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Par comparaison les personnages masculins malgré leurs évidents problèmes étaient des modèles de respect et des personnages finalement beaucoup plus compréhensifs et souvent plus humains, c’est dire car pourtant ils en traînaient des casseroles eux aussi !

Et pourtant on ne pouvait pas s’en empêcher : on avait beau trouver ces nanas infernales, on les avait dans la peau. On voulait savoir la suite, qu’est-ce qu’elles allaient encore pouvoir inventer pour rendre leur vie encore plus compliquée que ce qu’elle était déjà. Chaque occasion était bonne et Dieu sait qu’il y en a eu : parmi les personnages, il y a celles qui se marient sur un coup de tête, celle qui décide de garder le gosse après être tombée enceinte d’un coup d’un soir, celle qui décide de larguer son mec alors qu’il conduit un van en rase campagne puis qui décide de sucer la bite de son pote venu la chercher, au point de leur faire avoir un accident puis de rentrer en stop avec un psychopathe en puissance (même si au final il est sympa) (devant cet épisode j’avais les poils hérissés de tant de malaise), celle qui se fait arrêter par la police pour avoir pissé entre deux voitures. Et encore beaucoup d’autres. On pouvait parfois se demander comment il était possible de prendre autant de mauvaises décisions quand on a un cerveau qui fonctionne, des principes très étudiés et des idées très élevées sur l’amitié, l’amour et le rapport aux autres. Mais c’était justement ça que j’adorais dans Girls. Ça n’était pas tant la représentation fine d’une génération finalement, contrairement à ce que Hannah disait dans le premier épisode (le fameux « je pense être la voix de ma génération ! Enfin une voix… d’une génération » qui avait fait couler beaucoup d’encre) qu’une manière de montrer la jeunesse comme un temps où on se cherche mais où l’on croit tout savoir et où ces deux facteurs combinés peuvent faire très mal.

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Mais heureusement on voit une réelle évolution des personnages, de tous, qui va généralement dans le bon sens. Ainsi que le dit un personnage dans l’un des derniers épisodes, lorsque Hannah exprime ses doutes quant à sa capacité à élever un enfant : « ne t’inquiète pas, les enfants sont vraiment cools. C’est être un adulte qui est compliqué ». Pas forcément des évolutions qui vont dans le sens adulte de se trouver un « vrai job » ou se mettre en couple durable mais une évolution vers plus de compréhension mutuelle et une meilleure appréhension de ses propres besoins. Les filles et les garçons de Girls ont passé 5 saisons à dire qu’elles et ils n’en avaient rien à faire de ce que pensaient les autres de leurs vies et de leurs décisions. Mais à la sixième saison c’est enfin devenu la vérité et cela les a rendues plus fortes et plus agréables. Comme si les personnages s’autorisaient enfin à être heureux, à se connaître et à s’apprécier eux même, à réellement envoyer bouler ce qui valait la peine de l’être. L’avant-dernier épisode montre d’ailleurs pour l’ultime fois les 4 filles toutes ensembles et on se doute que ça sera également la dernière fois pour elles. Shoshanna, paradoxalement celle qui tout au long de la série a été la plus honnête et la plus saine, est sur le point de se fiancer et annonce assez élégamment à ses amies qu’il n’est plus question pour elle de continuer à les traiter comme telles, ce qui est assez compréhensibles finalement vu leurs relations des plus chaotiques. C’est triste et normal à la fois, comme toute amitié qui se termine pour les bonnes raisons. Mais Hannah et Jessa, qui ne se parlaient plus depuis que Jessa sortait avec Adam, l’ex d’Hannah, en profitent pour enfin parler ouvertement et se pardonner, même s’il est évident qu’elles ne vont finalement pas rester en contact. Mais au moins, tout est dit et personne ne reste avec de la rancœur, ce qui est la plus belle preuve de maturité. Comme l’a dit Jessa, elles ont fait de leur mieux mais leur « mieux était atroce ».

Un épisode m’a marqué plus encore que les autres, celui de la cinquième saison où Hannah recroise par hasard sa Némésis typique, la fille sortie de la même promotion qu’elle et devenue depuis une écrivaine connue dont elle envie le parcours et la vie. Elles finissent par passer la journée ensemble, à se parler de leurs problèmes, à parcourir la ville sur des vélos volés et à fumer de gros joints. Et Hannah de découvrir que, loin de l’image glamour que sa jalousie lui faisait avoir, cette fille marquée par son propre succès est malheureuse et a l’impression de ne pas avoir assez vécu. C’est un épisode miraculeux pour qui ne se sent pas légitime d’accéder au plaisir de la création sans certitude que celle-ci sera suivie de reconnaissance. Car à ce moment, sa maintenant nouvelle amie lui dit :

« – Regarde toi : tu as eu tous ces jobs, tous ces petits-amis, tu as vécu tous ces moments, c’est énorme !

– Je n’ai pas l’impression que ça soit si énorme lorsque ça arrive pourtant…

– Pourtant ça l’est. Et tu as tant à raconter… »

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J’ai aimé cette série de tout mon cœur, malgré les polémiques justifiées (le casting totalement blanc est effectivement une gageure), les défauts évidents (son titre, le manque de réalisme ou le fameux « mais comment une jeune fille serveuse-free-lance-chômeuse sans soutien familial peut-elle se payer cet appart à Brooklyn ? ») et les francs moments de malaise (j’ai toujours du mal à regarder certaines scènes de sexe et c’est pour ça qu’elles sont géniales). Elle a eu le mérite immense aussi de faire connaître Adam Driver, sans qui le monde du cinéma et mon monde fantasmatique personnel auraient été moins biens. Si elle a connu un petit passage à vide durant les saisons 3 et un peu 4, ça n’a été que pour renaître encore plus incroyable dans les saisons 5 et surtout 6, dont chaque épisode est un vrai bijou. Je n’aurais pas forcément aimé les rencontrer dans la vraie vie et pourtant les filles de Girls vont infiniment me manquer.

2 réflexions au sujet de « Girls : c’est la fin »

  1. J’ai à peu près 1000 réflexions :

    D’abord deux raison de voir Girls qui se suffisent à elles mêmes :
    1 : première fois qu’on voit à la télé des scènes de sexes réalistes, avec bourrelets, coudes dans l’œil, emballements ridicules ou concentration gênante.
    2 : du coup première fois aussi qu’on voit des corps réalistes, normaux, pas toujours beaux selon les critères admis, mais filmés avec justesse et poésie

    Ensuite, je trouve que les personnages résonnent bien en nous parce qu’ils sont justement tous une part de nous, un peu caricaturée mais bien là : l’égoïsme, le je m’en fout-isme bordélique, l’envie de bien faire, la classitude (selon mon interprétation des personnages). Nous ne nous identifions pas à un personnage mais à tous à la fois!

    Enfin, une question : le style cinématographique de la série, de scènes réalistes justement, de dialogues longs et lents comme dans le film de Lena Dunham Tiny furnitures, impossible de m’en rappeler, c’est quoi?

    Merci pour cet hommage/ critique !

    J’aime

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